Assez peu connu en France, Eyal Sivan réalise pourtant depuis vingt-cinq ans des documentaires dont lʼidentité serait moins à chercher dans des constantes formelles que dans la récurrence dʼobsessions thématiques : les relations Israël-Palestine évidemment, mais aussi le filmage des bourreaux ou lʼécriture de lʼHistoire. Cette pratique éclectique du cinéma tire sa cohésion dʼune théorisation permanente sur laquelle Sivan, qui enseigne dans plusieurs universités européennes et israéliennes, revient avec nous. Nous introduisons ce premier temps par un retour sur lʼélaboration du dispositif et le tournage dʼEtat commun, prolongeant les pistes politiques que nous avions proposées dans notre critique [http://revuedebordements.free.fr/spip.php?article85] du film. Pour rappel, le film réunit par le montage des intervenants des deux nationalités sʼexprimant sur la possibilité de vivre dans un État commun, thèse qui va à lʼencontre de lʼidée habituelle de la nécessité dʼun État Palestinien indépendant. Le principe du film est de mettre en vis-à-vis, dans deux cadres de part et dʼautre de lʼécran, deux interlocuteurs, lʼun Arabe et lʼautre Juif. Ainsi, lorsque lʼune des parties parle, un visage de lʼautre « bord » écoute ses arguments avec attention. En résulte une conversation, certes imaginaire ou "potentielle", mais donnant à penser quʼun dialogue est possible. Les questions abordées dans la foulée nous font traverser une carrière forte dʼune grande cohérence, et rappellent que, plus que le sujet, cʼest le point de vue de lʼauteur qui détermine la forme finale dʼun film. Autrement dit, que lʼesthétique et le projet politique sont à penser (et donnent à penser) ensemble. Cette position politique vaut encore aujourdʼhui à Sivan une position marginale vis-à-vis du milieu cinématographique français. Lʼauteur sʼen explique de la façon la plus claire qui soit : en revenant à ses films, quʼil considère en prise directe avec la vie et le réel.
Dans la seconde partie, nous poursuivons sur lʼusage de lʼarchive, avant dʼinterroger Eyal Sivan sur sa situation en Israël, où il est à la fois cinéaste et enseignant, ainsi que sur lʼétat du cinéma israélien et les possibilités de celui-ci à se confronter aux formes particulières de violence présentes au quotidien. Il est également question des bouleversements des modes de production à lʼheure dʼinternet et du numérique, autant que des ouvertures artistiques permises par ce nouveau média.
dimanche 12 août 2012, par Florent Le Demazel