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Israland, le manège désenchanté by Maurice Ulrich (L'humanité Dimanche)

13.11.1991

Véridique : la construction d'un parc d'attractions dans le désert israélien, en pleine guerre du Golfe.
Pouvait-on imaginer cela, qu'a filmé Eyal Sivan, auteur déjà d'"Iskor", remarquable document critique sur l'éducation en Israël, son propre pays ? La réalisation, en pleine guerre du Golfe et en plein désert, sur un chantier où travaillent ouvriers palestiniens et israéliens, d'un grand parc d'attractions à l'américaine : Israland. Je construis, dira le promoteur au réalisateur qui le fait répéter, "un paradis sur terre".
Mon film, précise pour sa part Eyal Sivan, est "une métaphore surréaliste sur Israël, enclave "à l'occidentale" au cœur du Moyen-Orient". Cette idée, c'est l'architecte du parc, un Allemand converti au judaïsme, qui la développé, non pour rejeter le pays qu'il a lui-même choisi mais au contraire pour qu'il vive. Israël ne connaîtra pas une vie normale, un véritable épanouissement tant qu'il n'acceptera pas d'exister comme un pays du Moyen-Orient, aux côtés des autres.
Dans ce paradis où les mains d'ouvriers palestiniens _quittant leur maison à l'aube pour la retrouver, parfois à la nuit, emplie des gaz lacrymogènes de l'occupant_ façonnent des fleurs en fil de fer, sur ce chantier où les hommes travaillent ensemble, la haine a tracé ses frontières.
Les Palestiniens, dit un jeune conducteur d'engins israélien, je ne les vois même pas. A midi, Palestiniens et Israéliens mangent en deux groupes, qui ne se regardent pas, à quelques mètres l'un de l'autre. Etrange folie... Que partagent à certains moments les ouvriers palestiniens quand ils rêvent à leur pays et espèrent avoir un jour, eux aussi, leur "Palestine Land".
Eyal Sivan, à vingt-huit ans, qui ne fait pas mystère de ces idées progressistes et qui partage son temps entre la France et Israël _son épouse est français_, ne "dénonce" pas, il filme. En donnant à voir les hommes comme ils sont, sans commentaires mais en "frottant" leur discours au mouvement de la vie _comment, pourquoi, par exemple, être divisés quand on travaille ensemble ?_, il leur tend le miroir de la vérité. Métaphore surréaliste, poème aux sources réelles, "Israland" est une œuvre de profonde humanité.